Luis Cernuda, 1902-1963 : ou le chant du déraciné, éternel prisonnier de son exil intérieur au cours de ses exils géographiques.
par Jocelyne AUBÉ-BOURLIGUEUX, Professeure émérite en littérature espagnole moderne et contemporaine à l’Université de Nantes.
Jeudi 23 mai, 14h30-16h00
Le thème d’intervention choisi est ici celui de l’Exil espagnol sous ses différentes formes, durant la Guerre Civile de 1936-1939, puis pendant les années de la dictature franquiste qui suivirent, en relation avec la production de l’écriture des écrivains de la ‘dite génération de 27’.
Après la mort de Federico García Lorca, fusillé en août 36, comme tant d’autres à ses côtés, certains poètes resteront en Espagne pour diverses raisons (tel Vicente Aleixandre pour ne citer que lui); nombreux sont ceux qui seront arrêtés, torturés, finissant par mourir dans les geôles inhumaines (comme Miguel Hernández, par exemple); d’autres gagneront l’étranger, volontairement ou de force (citons Rafael Alberti). Exils cruels parfois successifs, souvent considérés d’abord comme déplacements géographiques externes, sources de déracinements définitifs pour la plupart, auxquels les hommes condamnés à s’expatrier devaient tenter de s’adapter tant bien que mal, au fil du temps et des errances qui étaient-seraient alors leur lot, semées de vides à combler, en particulier dans le domaine créateur ici, jusqu’à la mort du dictateur, en novembre 1975.
C’est au cas de Luis Cernuda (Seville, 21 septembre 1902-Ciudad de México, 5 novembre 1963), que nous souhaitons nous intéresser maintenant, car ce grand auteur s’inscrit dans le cadre des écrivains à la fois exilés hors des frontières, mais également toujours en ‘exil intérieur’ là où il se trouve, y compris initialement dans son propre pays, du fait de son tempérament particulier orienté vers le repli, en ce sens à l’origine d’une créativité intériorisée, défensive autant qu’offensive, comme telle sans cesse remise en cause à l’intérieur comme à l’extérieur de l’être tourmenté qu’il se sent et se dit être, partout où il passe.