Après trente-six années de dictature franquiste qui érigèrent les Espagnoles en « gardiennes du foyer et des valeurs nationales-catholiques », la Transition démocratique fut le terreau d’une contestation politique et sociale de grande ampleur portée par des voix contre-hégémoniques – le mouvement ouvrier, syndical, étudiant, vecinal et féministe.
Les années de la Transition sont ainsi l’expression d’une contre-culture féministe qui a commencé à émerger à la fin des années 60 et dont le bouillonnement militant s’est traduit par des mobilisations massives en faveur d’une émancipation juridique des femmes et de la revendication de nouveaux droits (loi sur le divorce et la dépénalisation de l’avortement). S’il est aujourd’hui acquis que le mouvement féministe des années 80 – malgré ses clivages autour de « la militance unique » ou « double militance » – est parvenu à impulser un changement social qui s’est révélé décisif dans l’européisation de l’Espagne, l’étude de cette période met toutefois à nu les limites du processus transitionnel. L’adoption du texte constitutionnel de 1978 entièrement rédigé par les « Pères de la Constitution » et les résistances psychologiques, politiques et sociales à l’implantation d’une culture égalitaire réelle dans la société espagnole en sont l’illustration.
Par Karine Bergès, maîtresse de conférences habilitée en histoire contemporaine de l’Espagne à l’Université Paris Seine. Entrée libre.